Saturday, February 11, 2012

Le début de la vie active !



Bonjour, 


    J’ai commencé de travailler il y a maintenant quelques semaines. Les enfants, qui ne me comprenaient pas au début, s’habituent peu à peu à mon accent et mon débit rapide (que je m’efforce à maitriser) et ne sont plus ébahie devant ma blancheur ! 
Les niveaux sont très faibles, et les méthodes sont, à mon avis, complètement contre-productives...Ici, les enseignants travaillent beaucoup avec la répétition collective, ce qui n'encourage pas les élèves à réfléchir, ni à s’exprimer. En ce qui me concerne, ça se passe assez bien. Je dois m'adapter aux conditions relativement difficiles (des classes de 70 élèves, pleines de poussière et sans aucun matériel. Je vais donc essayer de créer une bibliothèque dans chaque classe pour les inciter à la lecture et la culture du livre. Ils n'ont pas du tout l'esprit créatif, et pensent qu'il n'y a que leur quartier sur cette terre (certains ont qd mm 14 ans). Il y a un manque certain de culture, donc d'opportunités pour ces enfants, qui sont pour nombre d'entre eux résignés à vendre du poisson et des chenilles sur le "trottoir" devant leur "maison". Pour rendre ma présence plus profitable, j’ai mis en place un atelier théâtre et un atelier journal à St Benoit, l’école des sœurs. Pour le théâtre, j’ai deux groupes de 23 élèves environ, et pour le journal, un groupe de 15 personnes très motivées ! Certains enfants ont beaucoup de talent, je pense que ces activités seront une manière effective de les faire travailler différemment, de les ouvrir au monde et de stimuler la réflexion ! 
Les autres enseignants de St Benoit étaient, jusqu’à présent, peu coopératifs et me laissaient le soin de tout gérer. Ca se passe de mieux en mieux, et ils comprennent maintenant que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres et que c’est le seul moyen de pérenniser les activités auxquels les enfants participent avec intérêt. 
    La vie quotidienne suit son cours ! J’apprends petit à petit à vivre différemment, à me réorganiser. Je dois réapprendre les codes et les valeurs de cette société encore très traditionnelle, et les intégrer dans la mesure du possible. Je pense que c’est une phase à ne pas négliger pour facilité mon intégration et pour comprendre cette population miséreuse, sans beaucoup de perspectives d’avenir, qui déjà se résigne à vivre au jour le jour. 
Les femmes-filles sont essentiellement destinées au mariage et à la reproduction (si une femme est stérile, il est normal d’en choisir une autre). Il est peu concevable qu’une fille ait des ambitions professionnelles. D’ailleurs les parents d’un foyer pauvre voire modeste feront le choix d’envoyer leurs fils faire des études à défaut de ne pouvoir scolariser toute la progéniture ! 
    Les sœurs de la congrégation m’ont adopté dans leur grande famille: Cambo Clotilde (grand-mère) attend avec impatience mes prétendants au mariage, et a déjà préparé formulaires de candidature et questionnaires, pour une sélection de bonne qualité! Nous nous sommes dit que la dot (somme que le mari donne à la famille de sa future femme) serait élevé,et qu’elle servirait à construire d’autres salles de classe! Mama Symphorose s’exaspère de mes tenues vestimentaires, (pourtant je fais des efforts!) mais sautille autour de moi avec un instrument étrange fabriqué en capsules de canettes dès que je porte un pagne; les novices (Thérèse, Symphorienne, Brigitte, Julie et Agnès) m’apprennent à marcher avec un seau d’eau sur la tête, et Mama Rosine à cuisiner le ‘fufu’ (la boule nationale)... Je suis vraiment ravie de vivre avec elles, aussi pour des questions de sécurité, et parce que qu’elles sont des personnes cultivées avec qui je peux échanger pendant des heures sur le pourquoi du comment de la culture congolaise, ses traditions, ses travers, l’histoire et la politique… !
La vie consacrée est quelque chose d'assez incroyable, et c'est vraiment intéressant de voir ça de l'intérieur. Les soeurs agissent sur tous les fronts sociaux (éducation, santé, culture, handicapé...). Elles travaillent dur, et sont respectées de tous. Elles sont très influentes dans la vie du pays. D'ailleurs j'ai l'impression que c'est surtout grâce aux congrégations que le pays garde la tête en dehors de l'eau. 
En ce qui concerne mes pratiques religieuses, je dois me plier au signe de croix avant et après chaque repas, mais j'ai été excusée pour les messes matinales, les prières quotidiennes, les vêpres et les adorations. Je vais quand même à la messe tout les dimanches à 7h30 pour un show en swahili de 2H30! Je ne comprends toujours pas grand chose, mais je chante et je danse, dans mon joli pagne! 
    Les gens du quartier commence à me connaître et à commérer à mon sujet...Certains pensent que je suis religieuse:  il n'est pas rare qu'on m’apostrophe: 'Jambo ma soeur'! Ca me fait beaucoup marrer. Au moins, on ne m'embête pas! ;)
    Il est assez difficile pour moi de créer de vrais liens avec les congolais. Je pense que ça prendra beaucoup de temps. 
Les gens pensent que je vais porter toute leur misère sur mes épaules, comme une certaine Anne, une britannique, qui l’a fait quelques années auparavant. Maintenant qu’elle est morte, ces gens qu’elle aidait se retrouvent dans la même misère qu’avant. Cette histoire me fait vraiment réfléchir sur l’aide humanitaire : Je pense qu’on ne peut pas juste donner. Ce n’est pas profitable puisque ça encourage la dépendance et l’assistanat, au dépend d’une aide au développement durable dans le temps. Les sœurs se battent par ailleurs contre la mendicité. (Sujet à approfondir!)
En attendant de nouvelles réponses, 
A bientôt, 
Anne

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