Presque
trois mois ont déjà passé depuis le début des cours. Je constate quelques
progrès ! Les élèves sont toujours aussi motivés pour apprendre l’anglais.
Le manque de moyen ne me permet malheureusement pas de faire des cours très
diversifiés. Je n’ai aucun matériel, pas de panneaux d’affichage, pas de
photocopieuse, internet deux heures par semaines, et depuis plusieurs jours pas
d’électricité !
En ce
qui concerne le théâtre, nous avançons bien avec nos deux groupes, je suis
entrain d’écrire une pièce, qu’ils joueront à la fête de l’école, et à la
journée de l’enseignement catholique. J’ai également contacté une troupe de
théâtre locale, Mafankolo, qui viendra après les vacances de Pâques jouer à l’école
une pièce sur la thématique de la paix. (Notre école étant une école de la paix…)
L’activité journal de l’école est une
réussite ! Les enfants journalistes ont commencé par écrire quelques
articles, et campagne de préventions sur la santé, après avoir interviewer les
médecins du dispensaire St Joseph. Liliane et Rose, deux enseignantes, ‘m’aident’
à encadrer les enfants. Elles ne sont pas très investies : c’est un peu
frustrant et énervant, mais là encore, je crois que c’est une attitude
générale, si je m’en tiens aux discours d’autres volontaires! En tout cas, les
enfants prennent beaucoup d’initiatives, ce qui me réjouie énormément ! Certains
d’entre eux ont de gros potentiels. Il faut toutefois les encourager car le
système scolaire ne leur donne pas, en général, la possibilité de réfléchir, ni
de s’exprimer librement. Je me heurte souvent à un gros problème
culturel : Les enfants, comme les adultes se moquent beaucoup. C’est à
dire qu’à chaque fois que j’interroge un élève, tous les autres se mettent à
rire aux éclats, y compris l’enseignant…
Les enfants ont donc peur de répondre aux
questions, et passent leur temps la tête dans les bras ou la main devant la
bouche, comme pour empêcher une faute de s’échapper ! C’est vraiment
difficile dans ces conditions de les faire participer individuellement.
L’éducation
pose de sérieux problèmes au Congo. D’abord, il faut savoir qu’aucune école
n’est construite par l’état. (Sauf une à Lubumbashi, qui a fait l’objet de la
campagne de J. Kabila). L’état a demandé aux directeurs de rendre leurs écoles
gratuites, et donc de ne rien faire payé aux familles. Or, il verse aux
enseignants un salaire de 50 dollars par mois. Ces salaires, qui ne permettent
pas à une famille de 5 enfants (5 enfants en moyenne par femme) de vivre au
Congo, ne motivent pas les enseignants qui font leur travail sans grand intérêt
ni professionnalisme. Le gros dilemme de la majorité des écoles est donc de
faire payer des frais d’inscription mensuels, et donc d’exclure certains
enfants de familles miséreuses dans l’incapacité de payer, ou alors, d’embaucher
des enseignants de qui l’on ne peut rien exiger…
Les sœurs de St
Joseph réclament 15 dollars par mois par enfant, afin de majorer les salaires
(dont 10% est reversé à l’état). L’école n’a donc plus rien pour se développer.
‘L’école’ n’est autre que 4 murs, à l’intérieur desquels sont entassés de 70 à
120 enfants, dans certaines écoles. Les enseignants, dépassés par ce nombre exorbitant
d’enfants à qui ils doivent apprendre à lire et à écrire, utilisent pour
méthode pédagogique la répétition collective, alors que cette école conformiste
détruit consciencieusement la jeunesse. Le redoublement est très rare! Officiellement,
au Congo, le taux d’alphabétisation s’élève à 95%...
La
corruption est omniprésente dans les écoles, du primaire à l’université. Elle dévalorisent
les diplômes et forment des professionnels de mauvaise qualité, qui appliquent la
loi du moindre effort. Ce cercle vicieux est d’une importance désolante,
puisque seule l’éducation permettra aux congolais de reconstruire le pays. Alors
que cette pratique courante est en général peu contestée, nous avons rencontré
à Kalemie (Nord Katanga) la rectrice de l’université, qui se bat pour une
université juste. Elle expliquait lors de sa conférence que le trafic
d’influence n’est pas passible de sanctions.
Je pense que cette école de la débrouillardise
dans un contexte d’impunité totale est à l’origine du comportement égoïste et
individualiste des congolais en général, (il y a bien sûr des
exceptions !) qui s’acharnent les uns contre les autres pour assurer leur
survie. Les vols deviennent incessants à Tchamalale. Personne ne peut faire
confiance à personne, même au sein d’une entreprise ;
Dans cette jungle où la loi du plus fort est
toujours la meilleure, l’espoir d’un réel développement social semble être une
illusion.
Le
8 mars, nous avons fêté avec les filles de l’école St Benoit, la journée de la
femme. Après un débat plutôt animé sur le rôle de la femme, ses droits et ses
devoirs, nous avons fait un grand jeu qui les a beaucoup réjouies ! (cf
photos ci jointes, si j’arrive à les télécharger !) Les filles étaient
toutes habillées en pagnes et blouses assorties ; certaines d’entre elles
portaient les perruques très convoitées de leurs mamans, chaussures à talons,
maquillage…
Cette journée (même le mois) est très fêtée au
Congo, mais j’ai l’impression que seulement très peu de femmes connaissent les
vrais enjeux de cette journée. La soumission des femmes est encore la norme de
cette société patriarcale.
Mais quelques associations autochtones tentent
de donner une autre image de la femme par le biais d’ateliers entre autres. Il
ne faut pas perdre espoir ! ;)
L’opération bibliothèque avance bien grâce à
votre soutien (Merci beaucoup pour vos dons !). Les livres sont à Milan,
prêts à partir ! Le transport est organisé par une ONG italienne, ALBA
(Association laïque pour les bambins d’Afrique).
Le coordinateur de cette ONG, Gabriele, me
fait découvrir le fonctionnement de gros projets humanitaires et leurs enjeux,
notamment l’opération moustiquaire de UNICEF, dont il organise le
transport dans tout le Katanga.
Il m’a aussi introduit au monde des artistes
de Lubumbashi. Des gens remarquables qui organisent de nombreuses
manifestations, concerts, ateliers, expositions, conférences...
Des gens avec qui on ne s’ennuie pas !
Avec l’alliance française, je vais également
faire partie du comité d’organisation du bus culturel pour la francophonie. Un
projet vraiment intéressant qui nous emmènera jusqu’à Makuacha, un village de
femmes artistes (peinture murale).
A très bientôt,
Anne
Journée de la femme, école St Benet |
Trésor Malaya, à Makuacha, village de mamans artistes |
peinture murale, Makuacha |